Biblioquest : la médiation numérique au coeur du projet d’établissement

Voici en exclusivité les supports, les liens, en un mot les contenus de la session de formation que nous avons crée l’année dernière. Cette nouvelle saison s’est tenue à Montpellier en novembre 2011 sur 3 jours. Elle était co-animée par Silvère Mercier et moi-même. Il s’agit de la seconde fois que ce cycle a lieu, c’est donc la seconde saison de Biblioquest, la série 😉

Organisée sous l’impulsion de l‘INSET de Nancy, elle s’adresse aux direction des bibliothèques territoriales et vise à provoquer une prise de conscience, à faire naître des pratiques et des argumentaires permettant le développement de projets de médiation numérique dans les établissements. Il s’agit ici du second Episode de cet itinéraire de formation que nous avons intitulé Biblioquest, la trilogie du changement, le premier épisode porte sur les outils numériques et le prochain traitera des contenus. Vous trouverez tous les liens vers le catalogue du CNFPT à la fin de ce storify avec les liens vers les stages pour vous y inscrire si vous le souhaitez.

La demande étant très forte pour ce type de formation nous avons souhaité développer l’équipe des formateurs. Renaud Aioutz et Anne-Gaëlle Gaudion ont suivi cette formation au titre de la formation de formateur (ils ont pris pas mal de notes, notamment via twitter pour Renaud ce qui nous a permis de vous proposer ce storify). Ils animeront donc une session supplémentaire en 2012 à Nancy, et nous maintiendrons cette formation avec Silvère à Montpellier dans un an. Vous aurez donc droit à 2 cycles de 3 épisodes chacun en 2012 !

Voici donc le déroulé de la formation et de ses contenus à travers des tweets et des liens vous permettant d’approfondir et de découvrir les notions abordées. C’est le tout premier storify d’une formation de bibliothécaires, c’est à ce jour ce qu’il existe de plus complet sur la médiation numérique dans les bibliothèques, profitez-en, n’hésitez pas à le lire et à le faire circuler!

Lire le Storify

Ce billet est publié simultanément sur le blog de Silvère Mercier

États d’âme sur la diffusion de ma veille

Dans un billet précédent j’expliquais que :

l’objectif d’une veille est d’apporter l’information dont le destinataire à besoin au moment où il en a besoin. C’est en cela que le veilleur est un capteur de signaux faibles dans les flux continus d’informations. Il ne s’agit pas seulement de repérer les bonnes ressources, il faut pointer l’information pertinente et la rendre disponible et utilisable pour soi mais aussi pour sa communauté de pratique ou d’intérêt. Veiller c’est donc et surtout diffuser, partager et capitaliser.

Depuis plusieurs semaines je m’interroge sur la manière dont je partage et je diffuse ma veille sur le web social.  Un regard critique que je désire partager.

Eviter l'écueil du narcissisme social - (Par cabbit. CC-BY-SA Source : Flickr )


Facebook a bonifié ma veille ou les limites d’une diffusion automatisée :

Dans un premier temps j’ai utilisé Facebook comme un simple canal de diffusion automatisée de ma veille via le service dlvr.it. Il me suffit d’appuyer sur le bouton de partage disponible dans mon Google Reader pour nourrir le flux rss qu’utilise dlvr.it pour propulser l’information sur mes profils sociaux. Un moyen très pratique mais qui ne diffuse qu’une information à faible valeur ajoutée. Un titre et une url. De moins en moins satisfait, j’ai décidé d’arrêter ce type de diffusion sur Facebook et de faire l’effort de “contextualiser” chaque information partagée par un commentaire ou une citation. Il m’arrive aussi d’indiquer par un “A lire +, ++, +++” un article que je considère important à lire. D’autre part je m’implique de manière plus active dans l’animation de ma communauté Facebook. Je « like » les ressources que je trouve intéressantes, en ayant bien conscience qu’il s’agit là que d’un indice de popularité sociale, et surtout je commente par une précision, un avis voire même un lien, les statuts de me amis. Les résultats sont assez concluants. Il est rare qu’une information partagée sur mon profil ne soit pas « liker », reprise ou commentée. Je fais le même constat avec Google+, avec peut être à termedes effets plus bénéfiques pour mon référencement. Sans aucun doute une veille accompagnée d’une médiation facilite la possibilité d’un échange et confirme les propos de Jean François Gayrard :

Il ne s’agit pas d’être sur les réseaux sociaux pour être sur les réseaux sociaux parce que c’est à la mode. Il faut y être pour le partage et l’échange. Pour ce qui est du partage, certains partagent mais n’échangent jamais. On est en plein dans le narcissisme social ; « si tu veux que l’on s’intéresse à ce que tu fais ou ce que tu as dire, intéresse-toi à ce que les autres font ou ont a dire »

Plus intéressant, ce travail de médiation a bonifié ma veille. Commenter ou annoter m’oblige à prendre du recul sur ce que je vais partager. Ce temps court d’écriture m’a souvent convaincu de ne pas partager une information que j’avais jugé a priori intéressante. Avec un simple bouton de partage je n’aurais pas hésité à le faire, presque comme un réflexe.

Le maillon faible : Twitter ou le veilleur ?

Je n’ai pas réussi à faire ce travail avec Twitter. Ma time line continue à diffuser automatiquement ma veille tel un robinet d’information sans valeur ajoutée aucune.
Contrairement à Facebook, je n’ai aucune pratique sociale de Twitter. Je ne suis pas un adepte des #FF, je ne remercie pas lorsque l’on me retweete et je dois même vous avouer que je suis très rarement la time line de mes followers. Je retweete quelques infos lorsque j’y jette un oeil à mes minutes perdues. Par contre je suis très attentif aux tweets liés à un hashtag événementiel comme lors du dernier #Bookcamp4. Mais je ne participe pas plus aux échanges.

Pas de valeur ajoutée et aucune animation de communauté. Face à ce constat je me suis interrogé sur l’intérêt de garder ce profil. J’ai donc posé la question à mes followers. L’un d’eux m’a répondu “ L’intérêt ? Celui de ceux qui suivent !” A force de cogiter on ne voit plus l’évidence.

La question serait plutôt de savoir si je désire continuer à diffuser ma veille de manière automatique sur Twitter. Non, dans l’absolu. Mais ce n’est pas si simple. Il m’est difficile de faire un simple copier-coller de mes annotations Facebook sur Twitter – ce que je fais sans souci avec ma liste de partage sur Google Reader grâce à la fonctionnalité « envoyer à ». Le petit oiseau bleu m’oblige à 140 caractères, tiny url et mention source comprises. Il faut donc aller à l’essentiel en 80 caractères, parfois jusqu’à la caricature. Je crois surtout que je ne suis pas compatible avec Twitter. Va pour le robinet et ceux qui s’y abreuvent n’auront qu’à valoriser ;-).

"Trop de couleurs distrait le spectateur" J.Tati -(Par kool_skatkat. CC-BY-SA Source : Flickr )


Diffuser moins et mieux et revenir à une veille durable

Récemment, J’ai reçu un message d’une bibliothécaire qui me faisait part de son sentiment paradoxal. A la fois elle appréciait mes recommandations de lecture et en même temps elle était frustrée de ne pouvoir tout lire. Ce fut un déclic. Partager trop d’informations, tue la veille. J’ai donc levé le pied. Je considère qu’au delà d’une quinzaine de recommandations par jour, je contribue à la sursaturation informationnelle ambiante. Ce quota est arbitraire mais il a au moins le mérite, couplé avec l’effort de « contextualisation », de m’éviter l’écueil du partage réflexe.

Un dernier point. La diffusion de sa veille sur les réseaux sociaux est éphémère. C’est une lacune majeure. Sachant qu’un message sur Facebook n’est visible qu’une poignée d’heures en moyenne, que reste-il des liens partagés au bout d’une semaine ? En outre Il est très difficile de capitaliser l’information disponible sur les réseaux sociaux. Il est donc important de revenir à « une diffusion durable ». La « Veille apprivoisée » est une tentative. Chaque semaine je publie sur ce blog, le meilleur de ma veille commentée en moins de 10 liens. Celle-ci est ainsi taguée, indexée, visible et pérenne. Elle s’adresse à ceux qui ne sont pas sur les réseaux sociaux et ils sont nombreux dans notre communauté professionnelle, mais aussi à ceux qui n’ont pas un temps infini à consacrer à la veille.

La feuille de route se précise donc :

– Miser sur la qualité et moins sur la quantité d’informations partagées.
– Apporter une valeur ajoutée à ce qui est propulsé.
– Animer la communauté d’amis sur Facebook/Google plus (?) car elle m’enrichie de ses recommandations et de ses commentaires.
– Utiliser Twitter comme un simple canal de diffusion.
– Laisser une trace durable sur ce blog avec la « Veille apprivoisée ».

– Ne pas oublier que tout cela est terriblement chronophage…

A lire « L’usager au coeur des bibliothèques 2.0 » par Claire Oggioni

Je ne peux que vous encourager à lire ce mémoire principal de Littératures françaises, Monde du livre soutenu par Claire Oggioni à l’Université de Provence d’Aix en Provence. Nous avions longuement échangé lors de ses recherches.

Son auteur présente son travail : « Ce mémoire de recherche s’appuie à démontrer ce que le Web 2.0 contribue à changer dans la relation des bibliothèques et des bibliothécaires à leurs usagers. « L’usager au cœur des « bibliothèques 2.0″ : Analyse interdisciplinaire d’une mutation en cours » est donc une analyse ciblée de la révolution en cours dans les bibliothèques ! »

La troisième partie de ce mémoire intitulée « L’usager acteur de la bibliothèque 2.0 » est à lire absolument si l’on veut se mettre à jour sur ces problématiques. C’est à lire ici

bib20

Voici un extrait de sa conclusion :

Les internautes ont gagné le pouvoir d’agir sur le Web grâce à de nouveaux outils techniques, dont les usages se sont généralisés, et dont les effets sur l’intelligence n’ont pas fini d’être étudiés. Un rejet général des autorités intellectuelles, ainsi que des intermédiaires médiatiques donne aux usagers à la fois l’exigence d’être servi au mieux en tant qu’ individu et l’envie de participer et de construire ensemble de nouveaux projets. Les usagers des bibliothèques s’attendent à être servis, mais sont également prêts à partager, à participer et à collaborer avec les professionnels des bibliothèques.

Pour cela, les bibliothécaires doivent avoir compris ces nouvelles attentes, non seulement pour répondre au besoin des « digital natives », au besoin des usagers- internautes, mais également pour répondre aux besoins de la société : la bibliothèque se déterritorialise et expérimente de nouveaux espaces dont les règles sont différentes, mais dont l’influence sur les usages territorialisés de l’espace physique est majeure. Une prise de conscience donc, mais également un nouvel état d’esprit : être prêt à servir les usagers au mieux plutôt que de concentrer d’abord ses efforts sur la gestion d’une collection pour ensuite la rendre accessible et attrayante, être prêt à partager un pouvoir (celui de construire le patrimoine, de le mettre en valeur, de créer de nouveaux services, de devenir conseiller…) La notion de médiation se rééquilibre donc dans une nouvelle démarche professionnelle orientée-usager qui ne se focalise plus sur la manière d’amener l’usager vers des collections acquises sur des critères de qualité, qui ne discrimine plus l’intelligence et les contenus que peuvent apporter les usagers, mais qui permet une meilleure communication entre usagers et bibliothécaires, ainsi que la rencontre entre une offre et une demande.

Petit bémol sur ce dernier point. La médiation se doit de proposer de nouvelles orientations, de nouveaux parcours au sein des collections acquises sur des critères de qualité – j’insiste sur ce qualificatif – élaborés en collaboration avec les usagers. Une co-construction des parcours et des contenus. C’est ce que développe par la suite Claire Oggioni.

Ceci en développant de nouvelles compétences qui permettent à la bibliothèque de ne plus seulement proposer des services documentaires, mais également des services non-documentaires culturels, éducatifs et sociaux qui soient au centre des attentes des usagers. Comment ? Par sa participation, sa collaboration et parfois en co-créant de nouveaux services et contenus qui peuvent être profitables à tous !

Et parmi ces nouvelles compétences, l’animation de communautés d’intérêt ! A quand un community manager dans l’organigramme des bibliothèques 😉

L’expression « Web 2.0 », d’ouvrir la porte d’une réflexion professionnelle collaborative qui concerne tous les aspects du métier : la place de l’usager, la fonction d’une bibliothèque, les compétences attendues du bibliothécaire. Mais pas seulement. Car de nombreuses bibliothèques se déclarent aujourd’hui « 2.0 » : certaines parce qu’elles ont expérimenté l’usage des « outils 2.0 » dans leurs pratiques professionnelles, d’autres parce qu’elles expérimentent un nouveau modèle de bibliothèque, dont la médiation numérique est devenu une des missions essentielles. Quel est leur point commun ? Elles ont toutes commencé une transformation qui les place dans une nouvelle situation spatiotemporelle : les « bibliothèques 2.0 » s’ouvrent aux usagers, aux usagers-internautes et aux internautes du monde entier, donnent la parole aux usagers, leur permettent d’agir et s’ouvrent à l’expérimentation permanente, à la mise à jour collaborative.

Se débarrasser de la culture de la perfection et ouvrir les portes de l’expérimentation afin d’occuper au mieux la nouvelle frontière de l’info-doc … les territoires numériques !

Ce qui suit est le cœur des défis que nous devons relever :


Le bibliothécaire devient donc un élément essentiel du changement
: la bibliothèque s’humanise et les bibliothécaires doivent devenir des accompagnateurs personnalisés, des animateurs et des gestionnaires de projets : mais aussi des experts techniques qui savent jouer des effets de réseau, des sociabilités autour du livre et de l’audience marketing nécessaire à leur présence sur le Web, un nouvel espace dont les règles sont à apprivoiser, pour mieux concurrencer la puissance dangereuse des sociétés à l’origine de nombreux « services 2.0 », et ainsi proposer autre chose. C’est là que les bibliothécaires peuvent mettre en valeur la plus-value de leur expérience professionnelle dans le tri, la sélection et la mise en valeur des collections, mais aussi tout simplement de l’information : dans un espace qui corresponde au lieu social et convivial attendu par les usagers. Les nouveaux services développés par les bibliothèques, qu’ils soient « 2.0 » (blogs, cartes collaboratives, portails de veille, widgets de recherche, recommandations des usagers…) ou pas (services de question-réponse, lettres d’information et contenus créés par les bibliothécaires…) permettent de mettre l’usager au cœur, non seulement des préoccupations des bibliothécaires, mais surtout du fonctionnement même des bibliothèques. La « bibliothèque 2.0 », si elle est déjà publique parce qu’elle est ouverte au public, a vocation de devenir publique, parce qu’elle sera au service des publics, collaborera avec les publics et même sera construite par les publics.

Le web n’est en rien un concurrent embarrassant et traumatisant. Ce média est une chance pour réaffirmer l’expertise des professionnels de l’info-doc dans l’accompagnement de l’internaute usager au sein de la jungle informationnelle. Et cela sera d’autant plus vrai si la bibliothèque accepte de ne plus miser seulement sur son identité numérique institutionnelle mais aussi sur son incarnation en ligne via des personnes ressources. Regardons du côté de Lille et des Geemiks !

L’usager ne doit pas cependant devenir « roi », ni les professionnels devenir de simples « prestataires de services », ils ne doivent pas abandonner les savoirs et savoirs-faires qu’ils ont développés au cours des siècles : la société en a plus que besoin face aux nouveaux enjeux de la surinformation (et de la « mal-bouffe » informationnelle) et les problématiques de mémoire et de conservation sont plus que jamais d’actualité…

La « bibliothèque 2.0 » n’en est qu’à ses débuts, il se peut qu’elle change de nom en cours de route… Mais la « bibliothèque 2.0 » est une mutation en marche qui place la bibliothèque comme carrefour des savoirs, dans lequel tous peuvent amener leur pierre à l’édifice, car chaque personne est experte, critique, ou artiste et peut contribuer à un savoir collectif, en constant mouvement : un savoir qui ressemble de plus en plus à la réalité sociale et cognitive des individus… Il existe un juste milieu entre refus du changement et déterminisme technique : il suffit de s’ouvrir, proposer, créer, échanger… vivre !

Et qu’on se le dise ….

Traiter, partager, diffuser et capitaliser sa veille

je pars demain à Bordeaux où j’interviendrai sur la notion de traitement, de diffusion et de capitalisation de l’information de sa veille, dans le cadre d’une journée d’étude organisée par L’IUT Michel de Montaigne – Pôle des Métiers du livre et le CNFPT ayant pour thème « La veille professionnel sur internet ».

Ma réflexion part d’un postulat un tantinet provocateur : Netvibes n’est pas un outil de veille – la matinée de cette journée est consacrée à ce service. Bien installé dans le monde de l’info-doc Netvibes est surtout utilisé comme un tableau de bord des ressources en ligne suivies par le veilleur. Une sorte d’offre de signets dynamique.

Je rappelle que l’objectif d’une veille est d’apporter l’information dont le destinataire à  besoin au moment où il en a besoin. C’est en cela que le veilleur est un capteur de signaux faibles dans les flux continus d’informations. Il ne s’agit pas seulement de repérer les bonnes ressources, il faut pointer l’information pertinente et la rendre disponible et utilisable pour soi mais aussi pour sa communauté de pratique ou d’intérêt. Veiller c’est donc et surtout diffuser, partager et capitaliser. Sur ce point Netvibes n’est pas satisfaisant. J’appuie donc ma démonstration sur Google Reader qui reste à mes yeux l’agrégateur en ligne le plus complet … Le procédure que je décris ici n’est qu’une possibilité parmi tant d’autres. Vous ne manquerez pas de me faire part de vos remontrances 😉

Autre axe de mon intervention, l’émergence du veilleur amateur avec la diffusion des services estampillés 2.0.  Aujourd’hui un panel impressionnant d’outils en ligne et gratuits permet à n’importe quel amateur de développer une veille. A l’image des briques legos, les services et autres plugins  s’assemblent entre eux, de sorte à créer des outils de veille ayant une granularité d’usages très large. De l’extérieur cela ressemble à une usine à gaz ….peut être la meilleure définition du web 2.0

Le monde des bibliothèques n’y échappe pas. Libéré des progiciels, n’importe quel agent, service ou établissement peut élaborer une veille professionnelle de qualité… reste la compétence. A l’heure où nous passons du support au flux, cette compétence n’a jamais été nécessaire au profil du bibliothécaire. Et qu’on se le dise !

Reblog this post [with Zemanta]

La théorie du crapaud fou appliquée aux bibliothèques

Le titre de ce billet est inspiré d’un article de Pierre de La Coste publié dans la Technology Review en juin 2008,  »
la théorie du crapaud fou appliquée à internet »
.

Les crapauds fous ce sont ces batraciens qui, en suivant une direction différente du reste du groupe lors des périodes de reproduction, risquent une fin certaine. Mais ce sont ces mêmes crapauds qui, allant dans une mauvaise direction, explorent de nouveaux territoires, assurant parfois la survie de l’espèce lorsqu’une autoroute coupe soudain les itinéraires menant aux lieux de reproduction des crapauds normaux. « Chez les humains, on observe parfois des comportements comparables : Christophe Colomb, Léonard de Vinci, Newton, n’ont-ils pas été considérés comme fous par leurs contemporains parce qu’ils semblaient prendre la « mauvaise direction » ? En réalité, ils ont ouvert à l’humanité des voies nouvelles qui lui ont permis de progresser et peut-être de survivre à ses erreurs. » Pierre de la Coste

Les bibliothèques ont aussi leurs crapauds fous. Beaucoup plus que l’on ne croit. Ici , ils ont ouvert un blog malgré le scepticisme d’un élu ou d’un service communication. Là, ils ont installé des consoles de jeux en plein milieu de la bibliothèque ou ont permis d’emprunter des jeux vidéos. Ceux là proposent d’emprunter des bibliothécaires. Ici, ils ont transformé leur catalogue en blog. Cette bibliothèque a décidé de mettre à disposition son fonds patrimonial photographique sur un réseau social. Là on permet à des internautes d’améliorer le fichier des autorités du catalogue. Ici, de prêter un nombre illimité de livres … bientôt pour un temps illimité ? D’autres demandent l’abolition des amendes pour cause de retard …. certains ont même rêvé d’effacer l’ardoise devant une wii….

N’importe quoi ? Tout cela n’est pas sérieux ? Nous cédons à un effet de mode 2.0 ? C’est bien joli mais ça ne résiste pas aux exigences réelles de nos services ? Le service de la lecture publique est une affaire sérieuse, de l’argent public est en jeu ? Certes, a priori. Mais la plupart de ces folies se sont inscrites dans des projets de médiation des collections, d’amélioration des services aux publics, de politique documentaire … Certaines ont fonctionné, d’autres moins. Mais toutes permettent de faire entrer dans de meilleures conditions la bibliothèque dans l’ère du numérique – cf. l’ étude de Sylvie Octobre pour le ministère de la Culture, sur les pratiques culturelles chez les jeunes nés avec la révolution numérique. Les musées sont en plus grande difficulté.

Il faut accorder aux innovateurs la possibilité de se tromper. Il faut laisser le plus de libertés, le plus d’avenirs possibles [aux bibliothèques]. Et si vous trouvez un crapaud égaré dans votre jardin, ne lui faites pas de mal : laissez-le poursuivre sa route dans la direction qu’il souhaite. Pierre de la Coste