Dans un billet précédent j’expliquais que :

l’objectif d’une veille est d’apporter l’information dont le destinataire à besoin au moment où il en a besoin. C’est en cela que le veilleur est un capteur de signaux faibles dans les flux continus d’informations. Il ne s’agit pas seulement de repérer les bonnes ressources, il faut pointer l’information pertinente et la rendre disponible et utilisable pour soi mais aussi pour sa communauté de pratique ou d’intérêt. Veiller c’est donc et surtout diffuser, partager et capitaliser.

Depuis plusieurs semaines je m’interroge sur la manière dont je partage et je diffuse ma veille sur le web social.  Un regard critique que je désire partager.

Eviter l'écueil du narcissisme social - (Par cabbit. CC-BY-SA Source : Flickr )


Facebook a bonifié ma veille ou les limites d’une diffusion automatisée :

Dans un premier temps j’ai utilisé Facebook comme un simple canal de diffusion automatisée de ma veille via le service dlvr.it. Il me suffit d’appuyer sur le bouton de partage disponible dans mon Google Reader pour nourrir le flux rss qu’utilise dlvr.it pour propulser l’information sur mes profils sociaux. Un moyen très pratique mais qui ne diffuse qu’une information à faible valeur ajoutée. Un titre et une url. De moins en moins satisfait, j’ai décidé d’arrêter ce type de diffusion sur Facebook et de faire l’effort de “contextualiser” chaque information partagée par un commentaire ou une citation. Il m’arrive aussi d’indiquer par un “A lire +, ++, +++” un article que je considère important à lire. D’autre part je m’implique de manière plus active dans l’animation de ma communauté Facebook. Je « like » les ressources que je trouve intéressantes, en ayant bien conscience qu’il s’agit là que d’un indice de popularité sociale, et surtout je commente par une précision, un avis voire même un lien, les statuts de me amis. Les résultats sont assez concluants. Il est rare qu’une information partagée sur mon profil ne soit pas « liker », reprise ou commentée. Je fais le même constat avec Google+, avec peut être à termedes effets plus bénéfiques pour mon référencement. Sans aucun doute une veille accompagnée d’une médiation facilite la possibilité d’un échange et confirme les propos de Jean François Gayrard :

Il ne s’agit pas d’être sur les réseaux sociaux pour être sur les réseaux sociaux parce que c’est à la mode. Il faut y être pour le partage et l’échange. Pour ce qui est du partage, certains partagent mais n’échangent jamais. On est en plein dans le narcissisme social ; « si tu veux que l’on s’intéresse à ce que tu fais ou ce que tu as dire, intéresse-toi à ce que les autres font ou ont a dire »

Plus intéressant, ce travail de médiation a bonifié ma veille. Commenter ou annoter m’oblige à prendre du recul sur ce que je vais partager. Ce temps court d’écriture m’a souvent convaincu de ne pas partager une information que j’avais jugé a priori intéressante. Avec un simple bouton de partage je n’aurais pas hésité à le faire, presque comme un réflexe.

Le maillon faible : Twitter ou le veilleur ?

Je n’ai pas réussi à faire ce travail avec Twitter. Ma time line continue à diffuser automatiquement ma veille tel un robinet d’information sans valeur ajoutée aucune.
Contrairement à Facebook, je n’ai aucune pratique sociale de Twitter. Je ne suis pas un adepte des #FF, je ne remercie pas lorsque l’on me retweete et je dois même vous avouer que je suis très rarement la time line de mes followers. Je retweete quelques infos lorsque j’y jette un oeil à mes minutes perdues. Par contre je suis très attentif aux tweets liés à un hashtag événementiel comme lors du dernier #Bookcamp4. Mais je ne participe pas plus aux échanges.

Pas de valeur ajoutée et aucune animation de communauté. Face à ce constat je me suis interrogé sur l’intérêt de garder ce profil. J’ai donc posé la question à mes followers. L’un d’eux m’a répondu “ L’intérêt ? Celui de ceux qui suivent !” A force de cogiter on ne voit plus l’évidence.

La question serait plutôt de savoir si je désire continuer à diffuser ma veille de manière automatique sur Twitter. Non, dans l’absolu. Mais ce n’est pas si simple. Il m’est difficile de faire un simple copier-coller de mes annotations Facebook sur Twitter – ce que je fais sans souci avec ma liste de partage sur Google Reader grâce à la fonctionnalité « envoyer à ». Le petit oiseau bleu m’oblige à 140 caractères, tiny url et mention source comprises. Il faut donc aller à l’essentiel en 80 caractères, parfois jusqu’à la caricature. Je crois surtout que je ne suis pas compatible avec Twitter. Va pour le robinet et ceux qui s’y abreuvent n’auront qu’à valoriser ;-).

"Trop de couleurs distrait le spectateur" J.Tati -(Par kool_skatkat. CC-BY-SA Source : Flickr )


Diffuser moins et mieux et revenir à une veille durable

Récemment, J’ai reçu un message d’une bibliothécaire qui me faisait part de son sentiment paradoxal. A la fois elle appréciait mes recommandations de lecture et en même temps elle était frustrée de ne pouvoir tout lire. Ce fut un déclic. Partager trop d’informations, tue la veille. J’ai donc levé le pied. Je considère qu’au delà d’une quinzaine de recommandations par jour, je contribue à la sursaturation informationnelle ambiante. Ce quota est arbitraire mais il a au moins le mérite, couplé avec l’effort de « contextualisation », de m’éviter l’écueil du partage réflexe.

Un dernier point. La diffusion de sa veille sur les réseaux sociaux est éphémère. C’est une lacune majeure. Sachant qu’un message sur Facebook n’est visible qu’une poignée d’heures en moyenne, que reste-il des liens partagés au bout d’une semaine ? En outre Il est très difficile de capitaliser l’information disponible sur les réseaux sociaux. Il est donc important de revenir à « une diffusion durable ». La « Veille apprivoisée » est une tentative. Chaque semaine je publie sur ce blog, le meilleur de ma veille commentée en moins de 10 liens. Celle-ci est ainsi taguée, indexée, visible et pérenne. Elle s’adresse à ceux qui ne sont pas sur les réseaux sociaux et ils sont nombreux dans notre communauté professionnelle, mais aussi à ceux qui n’ont pas un temps infini à consacrer à la veille.

La feuille de route se précise donc :

– Miser sur la qualité et moins sur la quantité d’informations partagées.
– Apporter une valeur ajoutée à ce qui est propulsé.
– Animer la communauté d’amis sur Facebook/Google plus (?) car elle m’enrichie de ses recommandations et de ses commentaires.
– Utiliser Twitter comme un simple canal de diffusion.
– Laisser une trace durable sur ce blog avec la « Veille apprivoisée ».

– Ne pas oublier que tout cela est terriblement chronophage…

16 commentaires sur « États d’âme sur la diffusion de ma veille »

  1. Je trouve tes réflexions très justes et tes commentaires sont effectivement une vraie valeur ajoutée et m’amènent vers tes sélections. Par contre, pour ma part, j’ai le sentiment avec twitter d’avoir pu démultiplier ma diffusion et créer des contacts très intéressants par rapport à facebook (mais peut être parce que sur mon compte FB, il y a plus d’amis que de contact « pros ») J’essaye d’échanger sur twitter plutôt avec succès (j’ai le sentiment), mais comme tu le dis, c’est alors tellement chronophage.

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  2. Je pense que ça dépend de l’usage de chacun. Dans mon cas j’ai plus d’échanges sur twitter et sur Google Plus que Facebook. Et ne partageant la politique de facebook (sur plusieurs points), j’ai préférer m’appuyer dorénavant sur LinkedIN, ou les échanges y sont plus constructifs.

    Tumblr reste aussi un lieu sympa pour l’échange :p
    et +1 pour le fait que ce soit une activité si chronophage…

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  3. d’accord avec toi lionel, c’est là raison pour laquelle j’ai énormément lâché la veille, parce que trop d’infos tue l’info, et je suis vraiment désolé mais je n’ai pas les moyens de passer plusieurs heures par jour à ouvrir des liens et à lire des pages (on est bien d’accord n’est-ce pas, les liens sont faits pour être lus et pas seulement balancés pour montrer qu’on s’intéresse à plein de choses !).. je n’ai pas ajouté d’amis et autres followers depuis des lustres parce que ce que je suis me suffit et me permet de rebondir parfois sur des nouveaux sites…au travail je suis dans la situation paradoxale d’inciter à faire de la veille et en même temps de restreindre ma propre veille à quelques blogs dont le tien…
    pour l’utilisation que j’en fais, twitter au fil de la journée mais je n’ai guère de temps et surtout je déteste les liens balancés sans indication de contenu (faut vraiment n’avoir rien d’autre à faire pour les ouvrir !), et facebook je le suis plutôt le soir ou à certains moments en ouvrant le profil de l’ami et en revenant sur ce qu’il a écrit dans la journée…
    depuis tout à l’heure, ton article lu et commenté + le dernier de silvère avec un twit envoyé, ça va être suffisant pour la journée au boulot, je repars à mes analyses de plans d’architectes…
    à bientôt j’espère

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  4. J’ai essayé l’an dernier de faire ça grâce à Diigo (publications automatiques dans WordPress) car c’est un outil que j’aime bien justement pour partager de la ressource, et qui permet dans l’interface de marquage d’ajouter des commentaires. Mais encore faut-il prendre le temps de commenter intelligemment, et c’est un vrai problème.

    Néanmoins je crois que nous sommes tous conscients que le partage aujourd’hui n’est le fait que d’un petit nombre de professionnels connectés, et que l’immense majorité des autres, à commencer par nos collègues de bureau, ne suivent absolument pas de blog, encore moins de twitts.
    Alors on continue le bon vieux lien copié-collé dans un email envoyé directement à celui que ça peut intéresser. Nostalgie biblio-fr, quand le robinet était ouvert tous les matins ?
    Pour le moment, tous les moyens de diffuser de l’information autrement (wiki interne, intranet etc.) échouent, alors que l’environnement est tout à fait favorable (gens qui passent des concours, sont persuadés du bien-fondé des collections numériques, prêtent des liseuses etc.).

    Alors que faire ?

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  5. Et Diigo ? Cet outil est moins « social » mais plus « veille contextualisée » que Twitter et Facebook. Diigo est devenu une de mes premières sources d’information (bien plus qu’un moteur généraliste en tout cas) quand je cherche des ressources sur un thème précis. Car oui, à l’autre bout de la chaîne dont le premier maillon est tenu par celui qui trouve une info et la partage, il y a celui qui la cherche… Dans l’équipe de Thot, nous utilisons un groupe fermé sur Diigo, un espace dans lequel nous recensons toutes les ressources qui pourront donner lieu (ou pas) à des articles. Et même dans un groupe au nombre restreint de membres (nous sommes 13), j’ai constaté ce que vous dites : une ressource non contextualisée n’est pas utilisée. Nous nous obligeons donc à rédiger quelques lignes de commentaire pour chaque ressource que nous recensons.
    Il me semble qu’on peut établir une chapine de valeur avec les trois outils : Twitter pour des ressources brutes, le seul filtre étant celui du choix des personnes que l’on suit, ce qui est déjà énorme; Facebook pour une première contextualisation, intéressant les « amis »; et Diigo pour une contextualisation plus poussée, qui passe certes par les commentaires mais aussi, et surtout, par l’adjonction de mots-clés, les infos ainsi poussées intéressant des veilleurs plus spécialisés. On ne va pas voir par hasard ce qu’il y a dans le compte Diigo des personnes que l’on suit, et encore moins lorsqu’on effectue une recherche dans l’ensemble de la communauté des utilisateurs. Sur FB et encore plus sur Twtter, la part d’aléatoire est énorme : il faut tomber sur la resosurce au moment où elle s’affiche. Alors que dans Diigo, tout est conservé…
    Je viens de vous trouver sur Diigo. je vais vous suivre 🙂

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  6. Excellentes réflexions en effet, sur l’articulation entre veille et médiation.

    Étrangement de mon côté, c’est davantage sur Facebook que je pousse automatiquement de l’information et sur Twitter que je me sens au milieu d’une communauté, par le biais des questions et discussions suscitées par les tweets que j’envoie.

    Je me demande dans quelle mesure il ne manque pas cette dimension de médiation dans le Bouillon, sachant qu’il serait possible d’ajouter un bref commentaire aux liens que nous envoyons, mais cela nécessite un investissement non négligeable.

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  7. Voilà résumée toute la difficile tâche du veilleur aujourd’hui 🙂
    J’ajouterai une petite nuance concernant twitter : pour moi, ce n’est pas un outil de veille. C’est plutôt un espace qui tient à la fois de la bouteille à la mer pour les questions urgentes, du débat professionnel caricatural mais souvent drôle (comme feu Biblio-fr) et de la machine à café. Et comme à la machine à café, c’est parfois là qu’on découvre des choses très intéressantes au détour d’une discussion assez quelconque.

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  8. J’appuie fortement la nuance de Cécile (liberlibri), les réseaux sociaux représentent surtout une chambre d’écho et de rencontre entre individus. Ces métaphores de la bouteille à la mer ou de la machine à café sont très justes.

    Dans un cadre professionnel, il me semble que les veilleurs devraient davantage se focaliser sur la manière de rendre cette information digeste, pertinente et facilement accessible auprès de leurs collaborateurs.. pour d’une part les alimenter et les éclairer au maximum, pour d’autre part leur laisser aussi l’opportunité de participer aux remontées d’information pouvant potentiellement enrichir la capacité d’écoute et la réactivité de l’entreprise.

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  9. Au regard de tout ce qui s’est déjà écrit, on ne peut que constater que la veille est d’abord un renoncement – qui, aujourd’hui, peut prétendre être omniscient, même sur le plus étroit des sujets ? – puis un usage, une pratique. Pourquoi opte-t-on plus volontiers pour Facebook ou Twitter, le sait-on toujours ?…
    Reste que pour nous partager ce n’est pas seulement transmettre, c’est choisir, sélectionner, qualifier une information que l’on juge susceptible d’être pertinente

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