Nous sommes tous les ayants droit de « Le vieil homme et la mer » – La veille apprivoisée #15

Cabane de pêcheur à Key West - Par L.Dujol. CC-BY-SA

Sélection hebdomadaire d’informations parues sur le web concernant le monde de l’info-doc et les enjeux du numérique.

Une semaine marquée par l’affaire qui oppose publie.net à Gallimard. Une pluie de réactions, souvent passionnées, d’analyses et de synthèses qui rend quasi impossible de proposer une veille apprivoisée sur ce sujet. Et pourtant, je désire manifester mon soutien à François Bon et à Publie.net.

Cette affaire confirme ce que j’ai mainte fois pointé sur ce blog :

– L’industrie culturelle se contrefiche de la création et du partage.

C’est ce que nous rappelle Hubert Guillaud dans son billet « Nous n’échapperons pas à reposer la question du droit » publié sur La Feuille

Cette histoire (une de plus) me semble emblématique d’une incompréhension de plus en plus aiguë entre la création et le droit, entre le partage et la propriété. Voilà longtemps que le droit d’auteur n’est plus l’héritier de celui qu’avaient inventé les Lumières, mais est devenu le moyen des industries culturelles pour imposer leur loi. Le droit est devenu un rempart – toujours plus haut – pour empêcher la création et le partage. Ce que montre cette histoire, à nouveau, c’est qu’il est plus que temps de mettre à plat les fondements de la création qui peu à peu ont été appropriés par les industries culturelles qui ont imposé un allongement des droits à leur profit et au détriment du partage et de la créativité. Le pire c’est que cette privatisation des biens communs que dénonçait magnifiquement déjà Lawrence Lessig dans Culture Libre ou que prolonge Philippe Aigrain dans son dernier ouvrage  n’est pas terminée, bien au contraire. ACTA est la prochaine pierre angulaire de cette privatisation juridique de la connaissance.

Ou encore Marc jajah en commentaire de ce billet d’ebouquin.

Ce dont est coupable Gallimard n’est donc pas de faire respecter le droit d’auteur (dont personne ne conteste la nécessité); ce dont Gallimard est coupable c’est d’être à la tête d’un catalogue dont la valeur sociale est inestimable et dont ils refusent aujourd’hui d’assurer non seulement la circulation mais la rénovation, c’est-à-dire l’assurance que l’oeuvre circulera bien compte tenu de l’époque dans laquelle elle s’inscrit alors. C’est une faute morale très grave : la maison Gallimard n’est plus à la hauteur des oeuvres dont elle a la charge.

– La défense du droit d’auteur est donc un prétexte. L’industrie culturelle défend un monopole.

 » En clair: Gallimard ne fait pas son boulot, se contentant d’engranger le fric que lui procure la vente de milliers d’exemplaires du Vieil homme et la mer dans la traduction de Jean Dutourd, à un public scolaire peu exigeant. » affirme de manière virulente Laurent Margantin. Ce que confirme Clément Monjou, toujours sur ebouquin :

Les classiques sont une machine à cash dont les éditeurs auront beaucoup de mal à se défaire. Encore plus lorsque l’éditeur dispose d’un monopole (imaginez les dizaines de milliers collégiens qui achètent l’ouvrage chaque année…). Un monopole qui ne tient qu’à un contrat que la traduction de François Bon mettait potentiellement en péril (cf. article sur Actualitté). […] Le droit d’auteur mène parfois à des aberrations qui viennent limiter la diffusion des oeuvres. On s’étonne aussi de la disproportion des acteurs, le géant qui tremble face à la jeune coopérative. Gallimard contre Publie.net, c’est un peu LVMH contre une fabrique de maroquinerie qui aurait, par mégarde, dessiné un sac trop ressemblant à un Vuitton.

Et encore la propriété industrielle est mieux traitée que la propriété intellectuelle. Hubert Guillaud :

Sincèrement, comme le disait Rémi Mathis, président de Wikimédia France sur Twitter : « après 50 ans, Le vieil homme et la mer peut-il encore légitimement appartenir à un ayant droit quand il appartient à l’imaginaire du monde entier ? » La durée d’un brevet, c’est-à-dire d’un titre de propriété industriel, en moyenne, n’est que de 20 ans. Comment peut-il être plus long pour l’art et la création ? De mon vivant, aurais-je le droit de lire une autre traduction de l’oeuvre d’Hemingway que celle de Jean Dutourd ?

Et maintenant ?

Pour Hubert Guillaud « On ne peut en rester aux bonnes intentions sur le fond. Il faut déplacer le débat et le porter sur le terrain du droit, concrètement, et rebatir ce que nous avons laissé aux industries culturelles »

En attendant, des idées et des initiatives pour défendre le droit de création et de diffusion numérique :

– Sauver la traduction inédite de François bon en signant cette pétition.
–  Disséminer sur le réseaux l’édition censurée par Gallimard, comme l’a fait Daniel Bourrion sur son site. « Parce que je pense avec beaucoup d’autres que le patrimoine littéraire mondial n’appartient plus aux ayants-droits d’un auteur décédé depuis 51 ans, ni aux éditeurs qui vivent sur la bête : ce patrimoine nous appartient à nous, nous tous. » nous explique t-il.
– Participer  à l’idée de traductions libres d’oeuvres du domaine public qu’avait lancé Lionel Maurel en Janvier dernier. Une traduction libre de droit de « le Viel homme et la mer » serait notamment possible au Québec.

Plus simplement, achetons les livres proposés par publie.net.

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Nos libertés d’utilisateur du numérique en état de siège. La veille apprivoisée #14

Bunker à Omaha Beach - Par L.Dujol. CC-BY-SA

Sélection hebdomadaire d’informations parues sur le web concernant le monde de l’info-doc et les enjeux du numérique.

La seule chose que vous devez savoir à propos d’ACTA. 

A peine la fronde des internautes et des grandes sociétés de l’Internet ayant poussé le Congrés américain à ajourner la procédure législative visant à adopter les lois anti-piratage SOPA et PIPA terminée qu’une nouvelle menace pése sur un internet libre. Il s’agit de L’ACTA,  Anti-Counterfeiting Trade Agreement ou accord commercial anti-contrefaçon. Cette menace est clairement exposée  dans le texte de la pétition lancée en ligne « ACTA: la nouvelle menace pour Internet ».

L’ACTA, un traité mondial, pourrait permettre à de grandes entreprises de censurer Internet. Négocié en secret par un petit nombre de pays riches et de puissantes entreprises, ce traité mettrait en place un organisme de l’ombre anti-contrefaçon permettant à des intérêts privés de surveiller tout ce que nous faisons en ligne. Il leur donnerait aussi la possibilité d’imposer des sanctions très sévères – allant jusqu’à des peines de prison – contre les personnes coupables selon eux de nuire à leur activité. L’Union Européenne est en train de décider de ratifier ou non l’ACTA — et son refus mettrait en échec cette attaque mondiale sur l’Internet libre. Nous savons qu’elle s’est opposée à l’ACTA auparavant, mais certains députés européens hésitent – donnons-leur le soutien dont ils ont besoin pour rejeter le traité. Signez la pétition dès maintenant – nous la remettrons de manière spectaculaire à Bruxelles lorsque nous aurons atteint 500 000 signatures!

La pétition a déjà rassemblé plus de 1,6 millions de signatures.

Ce traité conçu comme un  accord commercial a été négocié secrètement sans aucun débat parlementaire et sans aucune consultation des organisations internationales pour imposer une logique répressive dictée par les industries du divertissement. Philippe Aigrain, fondateur du site La Quadrature du Net et Gaëlle Krikorian, doctorante à l’EHESS  parlent dans l’article « Défendons un partage non-marchand des oeuvres ! » publié sur lemonde.fr, « de vraie corruption de la décision démocratique » :

La culture numérique est un terrain d’enjeux essentiels : droits des individus à l’égard des oeuvres numériques, rémunération des créateurs de toutes sortes et conditions d’existence des oeuvres. Depuis quinze ans, des groupes d’intérêt de médias et de distribution ont poussé des politiques motivées par une obsession unique : empêcher le partage non marchand d’oeuvres numériques entre individus. […] les conditions dans lesquelles ces politiques ont été conçues, relèvent d’une vraie corruption de la décision démocratique.

Rick Falkvinge, dans un texte paru sur son blog et traduit sur le site Framablog, « La seule chose que vous devez savoir à propos d’ACTA » parle aussi d’un travail de « corruption mentale » mené par  l’industrie du droit d’auteur  auprès des législateurs.

C’est cette industrie qui pense qu’il est convenable pour les législateurs de leur donner le pouvoir de détruire un concurrent légal se trouvant à l’étranger, en supprimant ses revenus, son site web et ses publicités, simplement en le pointant du doigt.

C’est cette industrie qui trouve normal de pouvoir demander à se trouver en tête des résultats des moteurs de recherche, et de laisser “les miettes” à ses concurrents gratuits sous couvert de la loi.

C’est cette industrie qui demande sous la menace de la loi – une industrie privée – de mettre sur écoute électronique une population entière, seulement pour voir si des gens font quelque chose qu’elle n’apprécie pas, et dans ce cas, de couper à volonté les communications de cette population.

C’est cette industrie qui fait valoir que les citoyens devraient être activement empêchés d’exercer leurs droits fondamentaux, comme la liberté de parole et d’expression, si cela risque d’empiéter sur son business.

C’est cette industrie qui pense qu’il est raisonnable de condamner un petit faiseur de Karaoke à 1,2 1,2 milliards (3 000 000 €). Oh, et une grand-mère morte.

C’est cette industrie qui utilise la pédopornographie comme bouc émissaire de sa propre censure, et qui finalement choque les jeunes et favorise l’abus d’enfants.

C’est cette industrie qui a installé des rootkits sur les CD musicaux des gens et a pris le contrôle total de leurs ordinateurs, de millions d’appareils – comprenant les webcams, les microphones, les fichiers sur le disque dur, tout. Ils se sont maintenant introduits chez nous et y ont leurs yeux et leurs oreilles.

C’est cette industrie qui, une fois que vous la pensez au fond du gouffre tant moralement qu’humainement, revient sans cesse, avec de nouvelles façons créatives de vous surprendre.

Si cette industrie veut voir appliquer ce texte législatif incroyablement mauvais. Si elle se bat pour lui comme pour sa propre vie tout en prétendant que ce n’est pas très important. Si elle se bat sans expliquer aux législateurs en quoi consiste le texte. Cela devrait suffire à n’importe qui pour réaliser que c’est un sombre concentré d’horreurs. Attendez-vous à ce que l’ACTA légalise des pratiques semblables aux exemples précédents. Et encore plus. Attendez-vous à voir pire, bien pire que SOPA.

Soulignons que cette même industrie si zélée à combattre la contrefaçon ne propose comme alternative qu’une offre légale insatisfaisante. Bluetouff la qualifie même de fumisterie sur le site reflets.info.

L’offre légale est une fumisterie et elle le restera tant que le législateur ne contraindra pas les ayants droit à ouvrir leurs catalogues, elle le restera tant que le législateur confortera la position monopolistique d’une poignée de privilégiés qui sont à la fois producteurs, distributeurs et répartiteurs

Vacuité d’une offre légale et des parlementaires promulguant des lois répressives. Nous avons là tous les ingrédients d’une guérilla citoyenne contre le système du copyright. Cory Doctorow le démontre dans ce remarquable article « On ferme ! La guerre imminente contre nos libertés d’utilisateurs »

Nous n’avons pas encore perdu, mais si nous voulons que l’internet et les PC restent libres et ouverts, nous devons d’abord gagner la guerre du copyright. À l’avenir, afin de préserver notre liberté, nous devrons être en mesure de contrôler nos appareils et d’établir des réglementations sensées les concernant, d’examiner et d’interrompre les processus logiciels qu’ils exécutent, et enfin, de les maîtriser pour qu’ils restent d’honnêtes serviteurs de notre volonté, au lieu de devenir des traîtres et des espions à la solde de criminels, de bandits et de maniaques du contrôle.

Faut-il agir et comment ? s’interroge Jean Baptiste sur presse-Citron. On ne le répétera jamais assez :

« Quoi que l’on pense de ce traité, il est probable que s’il est largement ratifié et appliqué par les pays signataires, ce soit la fin de l’Internet tel que nous le connaissons. C’est aussi une énorme consolidation du système de rémunération des ayants droit, jugé par beaucoup comme complètement injuste pour le public et les artistes contre les « majors » qui récupèrent la majeure partie des recettes sous couvert de frais de diffusion alors qu’ils s’opposent justement à la diffusion via Internet bien moins onéreuse.
Ce traité est également une porte ouverte vers une évolution durable d’internet d’un système très libre (avec les abus qu’il provoque) vers un système de contrôle des infractions majeures en premier lieu, mais beaucoup sont ceux qui ne voient là qu’une première étape vers une censure plus systématique et généralisée du contenu public sur le web. « 

Agir donc. En tant que citoyen et surtout en tant que bibliothécaire. L’inter-association archives, bibliothèques et documentation, L’IABD, a signé la pétition signalée plus haut. Nous devons emboîter le pas. Il est de notre devoir de défendre la liberté d’accès à l’information et sa libre circulation. Agir c’est aussi lire et soutenir la Quadrature du net qui fait sur cette question un travail remarquable d’information et de pression sur la puissance publique.  Agir c’est enfin disséminer et expliquer autour de nous via nos blogs, nos profils sociaux ou encore dans les murs de nos bibliothèques …

– Nos libertés d’utilisateur sont en état de siège.

Soyons vigilants car nos libertés d’utilisateur du numérique sont rognées par petites touches. A l’exemple des sénateurs français qui en confirmant en décembre dernier la notion de “licéité de la source”  de la copie privée rendent quasi  impossible toute copie dans le cercle privé . « Il s’agit là de la négation du principe même des exceptions au droit d’auteur, c’est-à-dire des droits du public et d’un accès non-marchand à la culture« , pour la Quadrature du net.
Sauf que « le prêt en bibliothèque ou la consultation de documents sur place constituent bien une manière licite d’accéder aux œuvres et donc des “sources licites“. Du coup, la nouvelle définition de la copie privée semble étendre avec davantage de certitude le bénéfice de cette exception aux usagers des bibliothèques » nous explique Lionel Maurel. Et une idée portée et relayéé par Silvére Mercier :

Il est désormais possible d’organiser, comme un pied de nez au climat actuel une copy-party dans une bibliothèque à ces conditions pour rester dans un cadre légal:

Les copies doivent être réalisées avec le propre matériel des usagers (leur appareil photo, leur téléphone portable, leur PC chez eux, etc). Ces copies doivent être réservées à leur usage personnel et faites à partir de documents consultés ou empruntés en bibliothèque acquis de manière légale : c’est le cas des livres (droit de prêt) des DVD (droits négociés) mais pas des CD dont le prêt n’est pas négocié, ni des jeux vidéo.  L’acte de copie ne doit pas briser une mesure de protection technique (rappelons que casser un DRM est illégal depuis la DADVSI

On pourrait donc imaginer communiquer sur le droit de copier dans les bibliothèques en citant ces conditions, donc inciter les usagers à copier chez eux les oeuvres qu’ils ont emprunté dans une bibliothèque… Voilà qui pourrait être un évènement assez fabuleux pour sensibiliser le publics aux problématiques du partage des oeuvres aujourd”hui.

La première copy-party dans une bibliothèque aura lieu le 7 Mars prochain, à la Roche-Sur-Yon. La bibliothèque, un tiers lieu de résistance légale ?

Un autre exemple du recul de nos droits d’accès et de partage de la culture avec cette décision de la Cour Suprême des États-Unis qui fait retomber des œuvres appartenant au domaine public sous la protection des droits d’auteur. Des millions d’œuvres anciennes sont concernées. Parmi les plus connues, on trouve The Shape of Things to Come de H.G. Wells, Metropolis de Fritz Lang, et les compositions d’Igor Stravinsky. Des textes de J.R.R Tolkien et George Orwell ont même déjà quitté le domaine publicWikimédia France écrit sur son blog :

Chacune de ces lois a fait reculer le domaine public, mais une constante restait : ce qui entre dans le domaine public y reste définitivement. L’URAA est allée plus loin. Pour la première fois de l’histoire des États-Unis, le domaine public a été diminué : des œuvres en ont été arrachées.
Cette décision place également les réutilisateurs d’œuvres dans une situation délicate : si l’exploitation d’œuvres du domaine public n’est soumise à aucune restriction, un domaine public changeant est synonyme d’insécurité juridique.

Et ce sont les projets portés par wikimédia qui sont mis en difficulté. « J’ai fait un cauchemar horrible cette nuit. J’ai rêvé que non content de rallonger ad nauseam la durée du copyright « ils » osaient s’en prendre au sanctuaire du domaine public… »  écrit David Kravets dans un article au titre qui ne fait aucune concession « Ils ont violé le Domaine public ! » … et notre liberté d’accès à la culture avec.

Le web social en est aussi. Pour s’en convaincre lire ce billet très complet d’Olivier Ertzscheid « De la conquête du far-web à celle du near-me »

Ce billet se sera efforcé de le montrer, les affrontements dans les grands espaces du far-web se sont aujourd’hui déplacés dans un corps à corps insidieux qui se déroule sur nos propres terres documentaires (near-me). Il s’agit bien, pour les uns comme pour les autres, d’une bataille de frontières ; frontières entre ce qui relève du public et ce qui relève du privé, frontière encore entre l’information et le couple « infomercial / infotainment », frontière enfin entre le politique (cas de censure évoqués dans ce billet ou efficace « lissage » de l’opinion) et le social.

Etat de siège, guerre, bataille, corruption,  lois répressives, censure, surveillance … jamais la vigilance et le militantisme des professionnels de l’information et de la documentation n’auront été aussi nécessaires. D’autant qu’une échéance électorale majeure s’annonce …

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Valoriser des contenus libres de droit en bibliothèque. Pouvoir et vouloir – La veille apprivoisée #12

Commercialisation - Par L.Dujol. CC-BY-SA

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Valoriser le domaine public

– A quand des journées nationales du bien commun ? – Bertrand Calenge : carnet de notes

Bertrand Calenge manifeste une inquiétude bien réelle au sujet « des ressources documentaires de plus en plus réduites à la monétisation du droit à leur accès et pour les nouvelles formes numériques du savoir cantonnement juridique de l’intérêt général à des “exceptions”. Et de s’interroger sur « la libéralité d’accès et d’usage que nous autres bibliothécaires pouvons faire des objets que nous manipulons en vue d’en permettre l’appropriation par l’ensemble des publics que nous servons. » Et notamment les oeuvres entrant dans le domanie public.

« Il faut s’émerveiller qu’une œuvre accède enfin au domaine public et devienne ainsi la propriété de tous, un Bien commun en somme (voir l’intéressant article d’Hervé Le Crosnier) ! Et cette accession devrait faire l’objet d’une sorte de “baptême républicain” qui pourrait se concrétiser par des Journées du Bien Commun. Au-delà de la valorisation, ce serait l’occasion de questionner offensivement la place laissée à la libre communauté des citoyens : accessibilité à des espaces publics de partage, exploitation commerciale du bien commun, alerte sur les perpétuelles tentations vers une extension du droit d’auteur, etc.

Proposons à tous les bibliothécaires de se faire les moteurs d’une manifestation nationale à inventer : les Journées nationales du Bien commun ! »

Une journée internationale du domaine public existe déjà, et des bibliothécaires français vont participer à leur façon à cette célébration. Mais célébrer les auteurs du domaine public peut s’avérer être plus compliqué que prévu, du moins au Canada. C’est ce que nous explique Marie D. Martel  sur son blog.

Dans son billet « Célébrer ou pas le domaine public : je veux bien faire la fête mais pour qui ? » celle-ci fait part de sa difficulté à vouloir célébrer les auteurs québécois entrant dans le domaine public :

Alors qu’il est relativement facile de repérer les dates de décès des auteurs anglophones, l’exercice se complexifie drôlement du côté des francophones du Québec. On veut bien célébrer le domaine public, mais qui est-ce qu’on fête ? Qui est un(e) écrivain (e) du Québec décédé(e) en 1961? Où est la liste, où est la base de données ?

Une difficulté que n’est pas anodine.

Si nous obtenons cette information, à BAnQ ou ailleurs, nous serons en mesure dès lors, non seulement de documenter Wikipédia,  mais aussi d’élaborer des initiatives de médiation, des fêtes de la lecture, pour ces oeuvres que nous feront renaître tout en renaissant avec elles.

Une demande confirmée par Oliver Charbonneau sur son blog CultureLibre.ca

Un domaine public qui pourrait être mis à mal si le Ca­na­da adhé­rait aux dis­po­si­tions du Trans-Pacific Partnership (TPP) qui étendraient la durée du droit d’au­teur à 70 ans ou qui im­po­se­raient des règles en­core plus strictes de ver­rouillage nu­mé­rique. Marie D. Martel propose une traduction d’un extrait de l’ appel aux citoyens canadiens en faveur de la préservation du domaine public formulé par Michael Geist, professeur à l’Université d’Ottawa, spécialiste des questions de propriété intellectuelle.

D’autant plus compliqué si les dispositions PIPA (Protect IP Act) et SOPA (Stop Piracy Online Act) étaient elles aussi validées par le Congrès américain. Toujours sur le blog Bibliomancienne,

Les organisations et les bibliothèques localisées au-delà des États-Unis ne sont pas à l’abri. Par exemple, explique Eric Hellman, si le Project Gutenberg Australia distribuait The Great Gatsby par F. Scott Fitzgerald, une oeuvre qui est encore sous copyright aux États-Unis, les démarches légales pourraient, dans la perspective de charges criminelles, forcer le fournisseur à bloquer l’accès au site; forcer Google, ou d’autres moteurs de recherche, à ne plus afficher PGA dans ses résultats et même à couper ses revenus publicitaires; forcer Wikipédia à retrancher les liens de cet organisme dans ses pages. Et, puisque les bibliothèques développent de plus en plus de collections à l’aide de ressources issues du domaine public ou de contenus libres d’être partagés, elles seront exposés à ce type de risques extraterritoriaux. Privées de ces opportunités qui ont surgi pour elles au sein de l’économie du web, on craint pour l’avenir des bibliothèques sur le territoire numérique.

De quoi justifier le black-out de mercredi dernier. MAJ : il semblerait que le projet soit ajourné.

De quoi se convaincre que les bibliothèques publiques doivent activement s’impliquer dans la défense du domaine public et sa valorisation. Mais pas seulement …

Valoriser les créations sous licences libres : 

Ziklibrenbib ou la symbiose entre contenus libres et médiation numérique en bibliothèque – S.I.Lex

Lionel Maurel salue l’arrivée de « Ziklibrenbib, un blog collaboratif créé à l’initiative de la Médiathèque de Pacé (35) et de la Médiathèque de la CDC du Pays d’Argentan (61) entièrement consacré aux musiques en libre diffusion. Il insiste sur le  rôle essentiel des bilbiothèques publiques dans la valorisation des créations sous licences libres :

Avec les contenus libres, une véritable relation “symbiotique” pourrait s’instaurer avec les bibliothèques. En effet, les artistes qui placent leurs oeuvres sous licence libre ne bénéficient généralement pas des circuits de distribution du secteur commercial. Ils peuvent dès lors avoir du mal à se faire connaître du public et ont donc particulièrement besoin de recommandation et de médiation pour percer. De leurs côtés, les bibliothécaires ont du mal à valoriser convenablement les contenus commerciaux à cause des barrières qu’on leur impose. Il y aurait donc un bénéfice mutuel à ce que des initiatives comme Ziklibrenbib se développent, pour tous les types d’oeuvres et pas seulement pour la musique, même si c’est sans doute dans ce domaine que la production d ‘oeuvres libres est la plus abondante.

L’initiative Ziklibrenbib va bien au délà :

Ziklibrenbib joue vraiment le jeu de la Culture libre, en plaçant les critiques produites sur le site par des bibliothécaires sous licence libre à son tour (CC-BY-SA).

Et comme je l’indiquais ici même :

 Les bibliothèques sont de plus en plus productrices de contenus et espèrent pouvoir par ces contenus se disséminer au sein des espaces numériques de leurs usagers. Mais comment l’espérer si ces même bibliothèques ne les placent pas sous un statut juridique adapté aux pratiques d’échange, de partage, et de réutilisation,  propres au web social ? Très clairement le portail d’une bibliothèque, son blog ou encore son wiki doivent être sous licence CC. Et croyez moi, on est loin du compte…

Les contenus produits par les Médiathèques du Pays de Romans sont aussi sous licence CC-BY-SA

« Une initiative comme Ziklibrenbib renforce encore à mon sens la nécessité que les licences Creative Commons restent bien compatibles avec les usages collectifs en bibliothèques« , termine Lionel Maurel.  A condition que les bibliothécaires veulent bien se débarrasser « d’ un “DRM mental” puissant qui joue encore dans la profession et qui empêche la synergie d’opérer. « 

Pouvoir et vouloir.

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