Article publié dans le numéro 58 de l’Observatoire : la revue des politiques culturelles – juillet 2021.
L’émergence du numérique a fortement interrogé la place des bibliothèques publiques
au sein d’un écosystème informationnel où il n’a jamais été aussi facile d’accéder aux
savoirs et à l’information. Mais les logiques algorithmiques, imposées progressivement
par les acteurs privés du numérique, ont rapidement démontré que la réalisation d’une
bibliothèque universelle n’était qu’une illusion. À l’ère de l’abondance informationnelle
filtrée par les GAFAM, l’« expertise neutre » du bibliothécaire, médiateur et curateur,
n’a jamais été aussi nécessaire. Néanmoins, cette exigence oblige les bibliothèques
publiques à se repenser et à adapter leurs indispensables missions traditionnelles
à cet environnement numérique. Hormis leur rôle de facilitateur dans l’accès à un
pluralisme culturel, les bibliothèques publiques ont aujourd’hui un autre défi à relever :
aider les citoyens à développer leur pouvoir d’agir au sein d’une société numérique.
Depuis une dizaine d’années, le numérique transforme en profondeur les collectivités territoriales, et les bibliothèques publiques n’échappent pas à cette évolution majeure. À l’espace physique (et ses pratiques territorialisées) s’ajoute celui plus vaste du numérique, avec son lot de nouveaux usages et de nouvelles attentes des citoyens.
La notion de temps est également bousculée. D’un côté, un équipement physique avec ses contraintes d’horaires d’ouverture ; de l’autre, une bibliothèque en ligne accessible 24 h/24 et 7 j/7. De fait, la notion d’usager se complexifie. Il peut être emprunteur ou simple visiteur,
inscrit ou non inscrit, usager internaute et utilisateur de la bibliothèque en ligne seulement, habitant du territoire physique et/ou « habitant » de ce nouveau territoire numérique.
Cette palette de combinaisons possibles impose aux bibliothèques, à l’instar de tous les services publics, de se penser désormais en trois dimensions indissociables et complémentaires : in situ, hors les murs et à distance. Le numérique n’affaiblit pas le service territorialisé, bien au contraire, il l’étend et le renforce. La crise sanitaire que nous avons traversée a fait la démonstration quotidienne de ces complémentarités.
L’émergence du numérique n’est donc en rien une remise en cause de ce qu’est une bibliothèque publique. Celle-ci reste une installation avec un bâtiment physique, un portail en ligne sur le Web qui propose des ressources et offre des services (in situ, hors les murs et à distance) comme la possibilité de consulter le catalogue depuis chez soi, de réserver, de prolonger ses prêts, ou encore de demander un conseil de lecture à un bibliothécaire via un service de questions/réponses, et bien d’autres. La bibliothèque se montre ainsi présente de plusieurs façons auprès des citoyens et renforce son lien de proximité avec la population desservie.
Lire la suite « Accés aux savoirs et pouvoir d’agir citoyen : le défi des bibliothèques au sein d’une société numérique. »