Les discussions de couloirs lors des dernières Rencontres d’Autrans m’ont convaincu d’une chose : tous les services estampillés 2.0 sont compris et utilisés par une minorité éclairée d’internautes. Pour preuve les nombreux étudiants en communication présents à Autrans – la fameuse génération Y  –  ont avoué  très peu utiliser tous ces outils dans leur travail de veille informationnelle ou de mise en réseaux de la connaissance. Ce que nous appelons le web 2.0 est à leurs yeux le web tout court – et ils ont bien raison sur ce point – et son usage est essentiellement ludique. Nous échangeons sur les fils rss et je leur demande si ils les utilisent; leur réponse est sans équivoque : « bof ! » Légère douche froide sur ma tête de bibliothécaire zhybride qui est sur le point de proposer une feedothèque aux usagers de ma bibliothèque.

Encore une fois, et il faut me se  le répéter régulièrement, l’usager internaute 2.0 n’est pas là. Ainsi, il y a de fortes chances que les fils rss que  nous essayons de déployer sur nos portails de bibliothèque ne concernent en fait qu’une petite minorité de nos usagers en ligne. Une récente étude publiée par Forester indique que seul 11 % des internautes ont adopté les flux RSS avec une croissance d’ à peine 2 % sur ces trois dernières années.  Il y a donc là un grand écart : nous défendons les fils rss sur nos services en ligne et nous constatons que cet outil ne séduit pas l’internaute usager. Je me demande si au final nous ne reproduisons pas les mêmes travers que nous condamnons : ne pas prendre l’usager pour ce qu’il est et le considérer pour ce qu’il devrait être ….

Nous devrions garder en mémoire la formule de Musser et O’Reilly : « la simplicité entraine l’adoption » dans l’élaboration de nos services en ligne. Proposer une page sur laquelle nous listons les fils rss proposés par la bibliothèque n’est pas suffisant. Car elle ne satisfera que la petite minorité d’usagers privilégiés et aguerris aux flux. Bien évidemment nous nous devons d’accompagner l’usager vers ces outils de syndication. A romans sur isère, nous allons travailler à la réalisation de petits tutoriels vidéos expliquant comment utiliser les fils rss de notre catalogue. Mais là encore ce n’est pas suffisant. Nous devons aller plus loin et donnés accès à  certains flux rss de nos portails à des usagers qui partent en courant dès que nous prononçons les mots agrégateur, syndication ou RSS. Cela pourrait être les fils RSS des nouveautés par genres via un widget embarqué sur le site , ou encore un univers netvibes dédié. Du fil Rss sans s’en rendre compte, sans forcément savoir comment cela fonctionne.

Je le répète souvent dans mes interventions, les services 2.0 hybrides de bibliothèque ne créent pas de générations spontanées d’usagers 2.0 hybrides, ni de bibliothécaires 2.0 hybrides d’ailleurs. A nous d’expliquer, d’accompagner, d’animer et de proposer des services avec des parcours adaptés….c’est une évidence et mine de rien on l’oublie vite !

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10 commentaires sur « Des fils RSS dans nos bibliothèques …. mais pour qui ? »

  1. Le constat est intéressant.
    En fait il faut sans doute arrêter de chercher à s’adresser à l’Usager unique, on fait le constat que nos usagers sont multiples, et différents.
    Certes donc, les fils rss et aggrégateurs ne parlent et ne satisfont qu’une minorité de nos lecteurs, mais il faut quand même conserver ces services, pour eux.
    Et à côté, en plus, il faut en faire d’autres, pour d’autres profils de personnes.
    Plutôt que d’imaginer un service qui parle à tous, essayons plusieurs habillages, services.
    Et travaillons à soigner l’ergonomie de nos sites, de nos opacs (cf le design d’interaction du bouquin « designing interactions »), tout en laissant la possibilité aux usagers que ça intéresse de manipuler à leur guise la technologie sur laquelle ils reposent (flux rss, etc.).
    Bref, plusieurs niveaux de lecture et d’utilisation de nos sites.

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  2. Oui les fils RSS sont probablement minoritaires dans un usage conscient et surtout pour de la veille. Mais que savons-nous d’un usage épisodique ou par hasard via les navigateurs et autres logiciels de messageries?
    Mais surtout ne pas oublier que ces fameux flux RSS sont aussi là pour disséminer les contenus de la bibliothèques…

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  3. Un retour d’expérience et une idée…

    1/ le retour d’expérience : dans le cadre des prêts longs de portables, j’ai constaté que même les étudiants avancés n’ont aucune idée de ce qu’est un aggrégateur, un flux RSS. Par contre, une fois qu’on leur montre, ils tombent de leur chaise…

    2/ L’idée : positionner la bibliothèque comme prestataire de formation pour ces outils, pas dans une approche « heavy » genre « Les bases de données, merveilles et mystères… » mais plutôt en faisant du light, genre  » Comment travailler moins : les flux RSS… »

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  4. Nous avons aussi ce genre de débat et interrogation sur ce genre de service 2.0 avec notre Médiathèque. Les flux RSS sont un outil, pas un contenu. Au-delà de savoir s’il s’agit d’un outil fortement utilisé par les jeunes publics, il faut surtout se poser la question de savoir si les informations que nous voulons communiquer, faire passer via, notamment ces flux, est attrayante pour ces publics (les publics en général), s’ils auront envie de jouer avec, de s’y connecter. Si notre production de contenus les excitait, je crois qu’ils s’inscriraient dans diverses formules de connexion à cette production culturelle, entre autres celles par flux RSS. Il y a, à mon sens, un gros travail à produire en amont du 2.0!! Le 2.0 ne va résoudre nos problèmes! Le principal de ces problèmes est que ce que nous avons à dire, à partager, nos spécificités de « lecture publique » sont inaudibles et invisibles sur la place publique, dans l’opinion publique, dans les médias. En général, je penche pour prêcher en faveur de la « fabrication » et structuration d’un corpus de connaissances bien spécifiques, qui nous soit propre, et partagé largement au-delà des frontières entre bibliothèque/médiathèque. De quoi parlons-nous, qu’avons-nous à dire, comment le disons, quels appareils critiques attractifs (savants et ludiques selon plusieurs gradations) construisons-nous? Si nous avons à présenter à fond séduisant « différent », ambitieux, organisé autour de points de vues bien à nous, regards différents et riches, porteurs de sens, capables de faire sentir qu’avec la lecture publique il y a des possibilités riches de s’individuer, en apprenant et en s’amusant, alors je pense que nous avons des chances de donner envie de s’approprier les tuyaux qui y conduisent et d’être acteurs à part entière d’une nouvelle culture web. (Pierre Hemptinne)

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  5. Je vois pour ma part 4 conditions à une + grande adoption de cette technologie de veille et de capture par nos publics :
    1. Rendre performante et visible cette fonctionnalité sur le portail (plusieurs fils proposés et mode d’emploi mis à disposition, y compris en version « enfants » + éventuellement des univers thématiques) et à l’OPAC (fil RSS à la requête, soit totalement personnalisé)
    2. Former tous les bibliothécaires à la technologie RSS, chacun (en particulier les responsables documentaires) devant créer son propre univers de veille thématique
    3. Former des formateurs à la technologie RSS
    4. Proposer en retour au public des ateliers de formation à la technologie RSS, avec création d’un univers de veille personnalisée
    Dans le réseau Ouest Provence (SIGB Koha, Portail Typo 3), nous préparons actuellement le 4ème niveau…
    … et une fois le dispositif abouti, je ne manquerai pas d’en faire l’écho sur « Bambou » (http://docmiop.wordpress.com/)

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  6. @comment7: Effectivement la question des contenus émanant de la bibliothèque en direction des usagers est pertinente …

    @xavier : nous sommes bien d’accord. Les flux RSS sont extraordinaire outils d’externalisation et de dissémination des contenus de bib. On revient sur la question précédente : nos contenus sont ils suffisamment sexy ?

    @dbo : les intitulés de tes formations sont pour le coup bien sexy !!!! 😉

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  7. Cher Lionel, je rejoins plusieurs avis exprimés plus haut dont celui de Jérôme :

    il faut former nos collègues.
    Parce que les fils RSS sont avant tout un outil magique, incroyable, extraordinaire pour nous les professionnels de l’information. Tous les jours, je remercie le type (chez Microsoft, je crois… aïe) qui a eu l’idée de ce truc.
    Quel gain de temps ! Rappelez vous jadis comment nous allions pêcher l’info dans des revues, à droite et à gauche…

    Je maudis maintenant les sites qui n’ont pas encore mis cela en place.

    Oui il faut former nos collègues et ensuite faire des ateliers pour les usagers qui ont envie de les utiliser…

    Pour le moment, je crois vraiment que c’est surtout un outil de communication fabuleux pour nos sites. Plus rapide pour communiquer une nouveauté du site qu’une lettre d’information très longue à construire, à demander l’avis de tous… et si on a mis la bonne virgule au bon endroit…

    Fabuleux encore, ces univers netvibes publics de bibliothèques : quand la bibliothèque fédère des blogs ou des sites du local que l’usager lambda aurait peut-être du mal à trouver…

    Pour l’instant, on a l’outil… maitrisons-le…

    Enfin, tous cela tu le sais bien
    mais je te sentais tout désappointé dans ton billet
    que j’avais envie de te le dire ainsi
    Amitiés
    Franck

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  8. @ Franck > pas de doute à avoir, je suis totalement convaincu de l’extraordinaire potentiel des fils RSS dans nos pratiques professionnels : veille, externalisation de nos infos ….
    Mon interrogation porte plus sur les usagers qui au jour d’aujourd’hui ne sont pas des utilisateurs des fils rss. Une Feedothèque ne suffit donc pas, il faut aller plus loin : formation, tutos, univers netvibes ….

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  9. @Lionel : oui, pour le public, je me dis que seules les mises en valeurs de type univers netvibes basés sur le tissu local comme vous avez pu le faire à Romans/Isère ou ce que font Dignes-les-bains ou Brest sont intéressantes. Ou encore créer des univers netvibes thématiques comme la blogoboule de lecture me paraissent être intéressants. Enfin, réaliser ponctuellement des liens lors d’un événement ponctuel. (Je précise avec Netvibes ou tout autre outil de présentation de ces flux – voir biblioflux, discoflux…etc…)
    J’ai un mauvais souvenir des listes de signets que nous nous alimentions un peu en vain sur nos postes d’accès publics multimédia et qui n’étaient jamais regardées…
    Effectivement, les usagers n’en sont pas à faire des recherches très pointues comme nous.
    A Saint-Raphaël, pour la page RSS, nous proposons la possibilité de s’abonner en laissant seulement un email pour être tenu au courant. Et cela marche. Nos usagers ne sont pas encore tous des adeptes des agrégateurs… loin s’en faut…
    Ok pour développer des sessions de formation, des tutoriels, montrer les exemples mais je crois qu’on a un projet commun là-dessus 😉
    A+ F

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